mardi 29 avril 2008

-Tu sais ce que tu vas faire?
-Quoi?
-J'ai été voir dans votre chambre a coucher.
-Et alors?
-Il y a une grosse armoire pleine d'habits.
-Et alors?
-Alors, les habits, la nuit, ce n'est plus de vrais habits. C'est des fantômes et des monstres.
-Tu mens. Je suis assez grande maintenant pour ne pas te croire. Tu devrais avoir honte.
La nuit, sans le vouloir vraiment, je me réveille a minuit.
Et mes yeux se dirigent d'eux- memes vers la grosse armoire.
Quelques habits en ressortent. Un manche de manteau, un pan de pantalon: des habits alignés, inoffensifs.
C'était toujours un plaisir pour lui de me faire peur.
Mes soeurs s'alliaient avec lui pour mettre cette mission a point.
Et je me sentais exclue, intruse. J'étais leur petit jouet.
Une petite poupée qui par moments avait de petits yeux que la peur écarquille.
"Ecoute, si tu dors avant d'avoir prie dix fois "Je te salue Marie" et "Notre Père", deux démons viendront te rendre visite."
Et depuis, je ne dors jamais sans avoir prie.
Mais ça, c'est une bonne habitude.
Oui, ça lui faisait plaisir de me faire peur, même quand j'ai grandi.
Peut être qu'il aimait plonger ses yeux dans ce regard.
Un regard que j'ai encore de temps en temps.
Je le sens. J'essaie de le chasser, de le cacher, mais il revient toujours.
Et quand je menace de tout dire a son père, je perçois chez lui un autre regard, celui d'une proie qui affronte un animal féroce
"Il va me battre, tu le sais bien. Et lui il sait bien que je ne vais rien dire. Et c'est pourquoi il recommence a chaque fois."

lundi 14 avril 2008

Nous sommes ensembles. Nous jouons.
Chacun de nous porte un verre plein de savon liquide avec des pailles fixées dedans; du savon que j'ai pris la peine de préparer.
Moi, je porte la paille a mes lèvres, je souffle dedans et je libère une armée de bulles qui sitôt sorties voltigent un instant se dorlotent au soleil et se colorent de ses reflets. Ensuite elles s'éclaboussent par terre, sur ma main, sur la sienne, sur ma tête, la sienne.
Lui, il souffle dans le verre et des bulles jaillissent collées l'une a cote de l'autre comme la lave d'un volcan en éruption.
"De la glace, dit-il"
Je veux moi aussi faire de la glace mais je souffle tellement fort que je salis ma robe. On rit, comme font si bien tous les enfants.
J'ai vu mourir tant de bulles plus belles l'une que l'autre. Aussitôt nées elles mouraient...
C'est ça la beauté, la vraie : éphémère, rapide, nous fuyant toujours.
Mais nous ne manquons jamais a ses rendez-vous et nous voila toujours la prêts a
"Cueillir le jour, cueillir l'heure, la minute, l'ombre de l'instant..."